L’itinérance en progression à Midland  

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La région a connu des nuits particulièrement glaciales lors des dernières semaines. Les quelques refuges pour sans-abris de Midland ont dû se réinventer encore cette année pour faire face à la croissance de l’itinérance dans Simcoe. Pour des centaines de personnes, les organismes comme The Guesthouse et La Maison Rosewood représentent souvent la dernière ligne entre la survie et la rue.  

Hubert Théberge 

– IJL– Le Goût de vivre

En mode survie depuis la pandémie

            Desiree Salis est la directrice du développement et des communications à La Maison Rosewood. Le refuge a pour mission de venir en aide aux femmes et aux enfants victimes de violence. Mme Salis nous apprend que la situation n’a fait qu’empirer depuis la pandémie de 2020 : « bien que notre organisation ne dispose pas encore de données officielles pour l’année 2025, je peux partager qu’en 2024-2025, La Maison Rosewood a offert plus de 35 600 heures de services à des femmes en situation d’itinérance. Cela représente une augmentation de 19 % par rapport à l’année précédente et de 162 % depuis 2022 ».

            Située sur l’avenue Hugel à Midland, la Maison Rosewood repose essentiellement sur la générosité de partenaires, les subventions et les dons d’individus pour offrir gratuitement ses programmes de soutiens aux femmes et aux enfants. Pour gérer la crise, l’équipe du refuge a donc dû penser de manière créative en raison des ressources limitées dont elle dispose. « Si la demande de services continue d’augmenter, notre capacité d’accueil pour des séjours en hébergement demeure le même. L’un des changements importants que nous avons apportés au cours des dernières années pour répondre à la fois à la violence et à l’itinérance, ainsi qu’au manque de logements abordables, a été de prolonger la durée des séjours à La Maison Rosewood de 8 à 12 semaines. Nous disposons également d’un programme de support transitoire et d’un réseau de références complet qui nous permet de collaborer avec d’autres organismes et agences communautaires afin de soutenir les femmes en situation d’itinérance lorsque nous ne sommes pas en mesure d’offrir un hébergement à un moment donné », partage Mme Salis.

            À défaut de pouvoir accueillir toutes les femmes qui font une demande d’hébergement, l’équipe de l’organisme travaille à améliorer le niveau de vie de celles qu’elles ne peuvent accueillir en leur fournissant des vêtements, des tentes, de la nourriture et des produits hygiéniques. « Nous devons admettre que notre communauté est incroyable pour sa générosité. Grâce aux dons des résidents de la région, nous pouvons redonner de l’espoir aux femmes et aux enfants qui se retrouvent dans la rue. Ça fait une immense différence », confie la directrice du développement et des communications.

Le miracle de la rue Élizabeth

            À quelques rues de la Maison Rosewood, le refuge d’urgence « The Guesthouse » accueille les personnes sans-abris de Midland et Penetanguishene depuis plus de 20 ans. Mme Helen Sykes, directrice générale de The Guesthouse nous a partagé que le refuge doit lui aussi composer avec l’augmentation du nombre de sans-abris à Midland : « oui, il y a de plus en plus de personnes qui viennent demander de l’aide. Nous avons 21 lits et nous sommes toujours complets et recevons souvent plus de demandes que nous n’avons de lits disponibles. Nous avons également des personnes qui viennent chercher des repas à emporter lorsque nous sommes à pleine capacité ».

            Alors que The Guesthouse est complet depuis des années, l’immeuble où est situé le refuge doit être rénové. Faute de ressources, il est pour l’instant compliqué pour l’équipe de Mme Sykes d’accueillir plus de pensionnaires.  La directrice de l’organisme est toutefois consciente que le refuge sauve des vies chaque hiver lors des nuits les plus froides et c’est précisément pour cette raison que son équipe a aménagé une halte chaleur au sous-sol de l’édifice de la rue Élizabeth. « Dans les nuits les plus froides, la salle est toujours pleine et il reste des dizaines de personnes à attendre dehors dans la nuit glaciale. Nous avons donc un système de rotation aux heures où des personnes sortent et d’autres entrent. Ça permet à tout le monde de pouvoir se réchauffer au moins une heure. L’idée est simple, mais représente un petit miracle pour les itinérants qui risque de mourir d’hypothermie à l’extérieur » explique Helen Sykes.

Invitation

            Autant du côté de La Maison Rosewood que de The Guesthouse, les responsables invitent les résidents de la région à leur donner un coup de main pour aider les plus démunis. Desiree Salis de La Maison Rosewood renchérit : « Les résidents peuvent nous aider de plusieurs manières différentes. Oui nous avons besoin de dons d’objets, de nourriture et de dons monétaires, mais il n’y a pas que les dons qui peuvent nous donner un coup de main. Parfois de simplement suivre nos réseaux sociaux et de partager nos besoins urgents peut faire une immense différence. Nous savons que tout le monde ne peut pas faire un don, c’est pourquoi nous invitons également les membres de la communauté à s’impliquer comme bénévoles. Nous recherchons actuellement des volontaires pour notre bingo. On encourage aussi vos lecteurs à acheter leurs légumes à « Operation Grow » à Midland, car l’argent dépensé chez eux est directement réinvesti dans les services offerts aux femmes de nos programmes ».

Ce que la ville peut faire

            Bill Gordon est maire de Midland depuis novembre 2022. Depuis son élection, monsieur Gordon souhaite faire la différence en incarnant un maire qui a les mêmes préoccupations que sa population. À long terme, l’une des principales solutions à la croissance de l’itinérance est l’accès aux logements abordables. Nous avons questionné Bill Gordon à savoir s’il était satisfait des progrès de la ville sur la question de la pénurie de logements : « c’est l’une des priorités de notre mandat. Nous avons approuvé des centaines de nouveaux foyers et logements locatifs, et quelques centaines d’autres sont en cours de planification. Cette année seulement, nous avons approuvé un nouveau projet sur le chemin Balm Beach qui combine des appartements locatifs, des maisons en rangées ainsi que 10 unités offertes à Habitat pour l’humanité ».

            Il est clair que la région de la Baie Georgienne a connu un boum immobilier depuis le début de la pandémie. C’est toutefois le manque de loyers vraiment abordables qui fait augmenter le taux d’itinérance à Midland. Monsieur Gordon nous a assuré que le conseil municipal était conscient de la problématique : « nous avons un terrain appartenant à la ville, également situé sur le chemin Balm Beach, qui fait actuellement l’objet d’un appel de propositions visant à attirer un projet de logements abordables. Nous verrons les résultats de cet appel au début de la nouvelle année, et je suis enthousiaste à l’idée de découvrir les options qui nous seront soumises. Aussi, le 3 décembre dernier, nous avons fait don d’une petite parcelle de terrain au « Georgian Bay Native Friendship Centre » pour la construction de 24 logements locatifs abordables. Nous avons aussi d’autres projets avec le Comté de Simcoe pour 100 unités de logements abordables pour aînés, et nous nous attendons à recevoir des demandes de terrain de la part de « ShelterNow » pour davantage de logements de transition ou de soutien au cours de la nouvelle année ».

            De manière générale M. Gordon paraît satisfait de l’orientation que semblent prendre les choses au niveau de la construction des logements abordables à Midland : « bien que le conseil municipal n’ait ni la capacité ni la compétence pour réellement « construire » des logements, nous saisissons chaque occasion pour assumer pleinement notre rôle en matière d’aménagement du territoire afin de soutenir le développement du logement dans notre communauté. […] Les prochaines années pourraient être passionnantes si cela se concrétise ».

Ce que les gens peuvent faire

            En attendant la réalisation des aspirations des élus municipaux, Bill Gordon rappelle que les propriétaires de maison peuvent directement contribuer à limiter la progression de l’itinérance par certaines actions concrètes. « Il existe plusieurs options offertes aux propriétaires fonciers s’ils souhaitent ajouter un espace de vie à leur terrain ou à leur maison. L’option de « logement secondaire » permet de rénover une maison existante afin de créer une unité d’habitation distincte qui peut être offerte en location. Cela peut aider […] à réduire la pénurie chronique de logements locatifs. Il y a aussi des subventions et du financement qui sont offerts par le Comté de Simcoe et la Province de l’Ontario pour ceux qui souhaitent convertir un espace inutilisé de leur maison en unité d’habitation. Je veux aussi mentionner la mise en œuvre du projet de loi 23 en Ontario. C’est le concept de logement « trois de plein droit » et ça fait référence aux changements législatifs permettant jusqu’à trois unités résidentielles sur un seul lot urbain de plein droit. C’est-à-dire que les propriétaires peuvent les construire sans avoir besoin de modifier le règlement de zonage ».

            Le maire espère que les gens saisiront ces opportunités, mais il demeure conscient que les nouvelles constructions peuvent susciter la grogne : « nous faisons encore face à beaucoup d’opposition « pas dans ma cour » à l’égard des nouveaux projets résidentiels, des personnes qui ne s’opposent pas au logement lui-même, mais souhaitent qu’il soit construit « ailleurs ». Ce n’est pas un problème nouveau, mais cela demeure un défi pour faire réellement avancer la construction de nouveaux logements ».

Le pas le plus simple à franchir

            Au-delà des investissements et des dons monétaires, souvent la première et la plus importante des actions à poser pour aider les itinérants est de changer notre perception négative envers eux. Desiree Salis explique : « il est essentiel que les gens comprennent les liens entre les conditions structurelles qui influencent la vie des gens et leurs expériences de la pauvreté. […] Il faut transformer notre façon de penser l’inégalité, la pauvreté et la consommation de substances, afin de nous attaquer aux causes profondes de ces enjeux dans notre société. Au fond, pourquoi la philosophie ne ferait pas elle aussi partie de la solution pour résoudre une problématique sévissant dans les grandes villes depuis l’antiquité. 

Photo : La Maison Rosewood située sur la rue Hugel à Midland (Crédit : Desiree Salis)