Semaine nationale de l’immigration francophone

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La treizième Semaine nationale de l’immigration francophone a pris place, partout au pays, du 2 au 8 novembre dernier. Le thème de l’édition 2025 était « merci d’enrichir notre francophonie » et près de 200 activités ont été organisées un peu partout pour souligner l’apport des immigrants francophones au Canada. Depuis 20 ans, les familles d’immigrants de langue française sont plus présentes dans notre région et votre journal a profité de la semaine thématique pour faire le point sur leur situation.

Hubert Théberge 

– IJL – Le Goût de vivre

Minoritaire 9 fois sur 10

            Le français est une langue minoritaire dans 9 des 10 provinces canadiennes et le maintien des services en français est un défi perpétuel pour chaque communauté francophone hors Québec. La Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) est un organisme qui supporte ces minorités partout au pays et est l’instigatrice de la Semaine nationale de l’immigration francophone. La FCFA est en dialogue continu avec le gouvernement fédéral en ce qui a trait aux questions de langues officielles, de droits linguistiques et de développement des communautés de langue française. L’organisme joue également un rôle, au niveau national, sur tout ce qui se fait en matière d’immigration francophone ailleurs qu’au Québec. C’est un peu eux qui veillent à ce que le français reste bien vivant un peu partout au Canada.

            Parmi les activités que la FCFA a organisées du 2 au 8 novembre on retrouve entre autres : une réception 5 à 7, réalisée en partenariat avec le Réseau de développement économique et d’employabilité Canada, à l’université d’Ottawa, pour célébrer les contributions des entrepreneurs et entrepreneures francophones issus de l’immigration, un webinaire pour mettre en lumière la culture algérienne et une série d’ateliers de danse et de percussion inspirés de différents peuples du Monde pour tous les niveaux (Maternelle à 12e année).

Les renforts d’outremer

            La présidente de la FCFA, madame Liane Roy a accepté de répondre à nos questions au sujet de la situation actuelle de l’immigration francophone au pays. Tout d’abord, sur la question des cibles nationales en matière d’immigration, Mme Roy s’est montrée plutôt optimiste : « la première cible en matière d’immigration francophone était de 4,4 % (de l’immigration totale) et a été fixée en 2003. Il a fallu 19 ans avant qu’elle soit finalement atteinte en 2022. Depuis, le gouvernement s’est donné des cibles plus élevées en matière d’immigration francophone et il a été en mesure de les atteindre. Cela dit, des projections produites par la FCFA en utilisant les modèles de Statistiques Canada montrent qu’il faut des cibles encore plus élevées pour freiner et renverser le déclin démographique de nos communautés. C’est pourquoi nous avons demandé et obtenu un engagement du gouvernement fédéral à une cible de 12 % d’ici 2029. »

            Nous avons questionné Liane Roy à savoir comment procède exactement le ministère de l’Immigration Réfugiés et Citoyenneté Canada pour s’assurer que les nouveaux arrivants parlent surtout en français? « C’est essentiellement sous forme d’activité de promotion à l’international. C’est parfois en personne et parfois virtuel. Par exemple, il y a eu le Salon Afrique-Canada immigration et investissement en 2024, les équipes de Destination Manitoba et Saskatchewan sont également allées promouvoir la francophonie canadienne dans des villes telles que Dakar, Tunis et Rabat en décembre 2024. La FCFA collabore d’ailleurs avec le gouvernement pour préparer des webinaires de promotion à l’international. On collabore entre autres avec l’ambassade de Paris pour faire la promotion du Canada comme terre d’accueil des francophones »

Pour contrer le 

discours haineux

            Ce n’est pas par hasard que la FCFA a choisi le thème « Merci d’enrichir notre francophonie », pour la 13e Semaine nationale de l’immigration. Liane Roy est consciente que le Canada vit une montée des perceptions négatives par rapport à l’immigration. Nous l’avons questionné sur ce qui pouvait expliquer cette montée d’intolérance. « Il y a plusieurs facteurs comme la crise du logement où les immigrants sont souvent pris comme boucs émissaires. Il y a aussi l’inquiétude économique et à l’emploi faisant que certains Canadiens remettent en question la concurrence perçue entre immigrants et travailleurs locaux, surtout en lien avec les emplois, les salaires et les opportunités » répond la présidente de la FCFA. 

            Ces perceptions inquiètent Mme Roy : « Plusieurs communautés francophones ont été témoins récemment d’actes haineux. Entre 2022 et 2023, le nombre de crimes haineux signalés au Canada a considérablement augmenté (+32 % selon certaines données). Les communautés musulmanes et noires sont particulièrement vulnérables, ainsi que les communautés d’origine sud asiatiques ». 

            C’est en partie pour contrer cette tendance que la FCFA organise les activités de la Semaine nationale de l’immigration francophone, mais pour Mme Roy, la sensibilisation doit se faire tout au long de l’année : « pour contrer ces perceptions négatives, il est essentiel de mieux communiquer les recherches qui montrent que les enjeux liés au logement et à l’emploi sont de nature structurelle et ne découlent pas de l’immigration. Il est également crucial de mettre en valeur les réussites et les contributions des personnes immigrantes au sein de nos communautés ».

D’Haïti à Simcoe

            Depuis cet été, Jeff Renald Charlot est navigateur de bien-être des services de connexions communautaires pour les nouveaux arrivants francophones pour l’organisme La Clé à Penetanguishene. Les services comprennent de l’aide pour l’installation, l’intégration et la participation à la vie francophone dans le comté de Simcoe. Un choix d’emploi logique étant donné que M. Charlot a lui-même dû s’adapter chez nous, il y a 5 ans lorsqu’il est arrivé d’Haïti. Pourquoi avoir choisi la région de Simcoe? Pour M. Charlot le choix n’était pas dû au hasard : « premièrement, je pense que la région est abordable pour une famille comparativement à Toronto.  Deuxièmement, Simcoe est en pleine expansion et offre plusieurs opportunités pour un nouvel arrivant. Troisièmement la communauté francophone étant petite, les services sont plus personnalisés. Si quelqu’un n’aime pas les grandes villes, je crois que Simcoe est un choix parfait ».

            Jeff Renald a confié au journal qu’il a tout de même rencontré des défis à son arrivée au pays : « quand je suis arrivé, il n’y avait pas vraiment de choix en tant que francophone outre le Collège Boréal et ils m’ont vraiment supporté surtout dans mon intégration et ma recherche d’emploi. Ce n’était pas simple de me trouver un emploi, car même si tu as de l’expérience, elle n’est pas toujours reconnue au Canada ».

            La non-reconnaissance des études ou de l’expérience à l’étranger est un problème auquel de nombreux immigrants sont confrontés. Qui n’a jamais entendu parler d’un ingénieur contraint à être caissier ou d’un professeur universitaire travaillant dans une manufacture? Monsieur Charlot croit que des choses simples pourraient être faites pour faciliter la recherche d’emploi des nouveaux immigrants : « il faut que le gouvernement augmente les ressources pour leur permettre d’apprendre l’anglais rapidement, parce que souvent il y a une liste d’attente pour commencer les cours d’anglais. Aussi on a besoin de plus d’entreprises francophones, pour l’intégration des nouveaux arrivants qui sont parés à travailler ».

L’équilibre parfait

            Tandis que les gouvernements et les conseils municipaux tardent à s’adapter à l’accroissement démographique, les institutions francophones de la région telles que les écoles, les services de soins et les services communautaires ont besoin, plus que jamais, des immigrants francophones pour maintenir leur rayonnement. Selon une projection de l’Institut national d’études démographiques de France, le français pourrait devenir la 3e langue la plus parlée au monde d’ici 2050. Est-ce que les instances canadiennes et régionales sauront trouver un équilibre pour que la francophonie ontarienne puisse grandir au même rythme que le bassin mondial de locuteurs francophones?

L’équipe du Service de garde éducatif de La Clé lors de la conférence « Nous sommes plus forts ensemble » qui s’est déroulée à Rama. (Crédit : gracieuseté de La Clé)