Le niveau d’eau de la baie Georgienne à son plus bas depuis 2014

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Depuis l’arrivée du printemps, plusieurs résidents de la région ont remarqué que le niveau d’eau de la baie Georgienne est particulièrement bas. Alors que l’an dernier le niveau de l’eau de la baie avait rejoint les records d’enfoncement de 2014 et 1965, il se pourrait qu’il demeure particulièrement bas cette année. Votre journal a consulté les professionnels d’Environnement et Changement climatique Canada afin de savoir si la situation est alarmante.

Hubert Théberge 

– IJL Réseau.Presse 

– Le Goût de vivre

Une situation critique?

            D’entrée de jeu, il est bon de savoir que le niveau d’eau des lacs Michigan et Huron (dont fait partie la baie Georgienne) est sous surveillance gouvernemental depuis 1918 et que leurs niveaux ont fluctué passablement au fil de décennies. Monsieur Brandon Clim, porte-parole et responsable des relations avec les médias d’Environnement et Changement climatique Canada a accepté de répondre à nos questions au nom de l’équipe de spécialistes du gouvernement fédéral. À l’heure actuelle la situation ne semble pas alarmante selon M. Clim : « le niveau d’eau de la baie Georgienne est le même que celui des lacs Huron et Michigan, puisqu’ils sont tous reliés. Au cours des dix dernières années, les niveaux sont demeurés principalement au-dessus de la moyenne dans la baie Georgienne. Au cours de la dernière année, les niveaux sont descendus sous la moyenne et ont parfois été à leur plus bas depuis 2014 ». 

Les raisons à la source des changements

            Selon l’équipe de spécialistes d’Environnement et Changement climatique Canada, l’impact des humains sur le niveau de la baie Georgienne est difficile à départager des phénomènes naturels comme le ruissellement et les précipitations : « les fluctuations à long terme du niveau du lac Huron et de la baie Georgienne sont le résultat des approvisionnements en eau, ainsi que des débits entrants et sortants. Ces approvisionnements en eau sont une combinaison des précipitations sur le lac et du ruissellement vers le lac, auxquels on soustrait le taux d’évaporation du lac. Par exemple, la baisse du niveau du lac à l’automne 2024 est le résultat d’une période automnale généralement sèche. Le débit sortant du lac Michigan-Huron dans le lac Érié n’est pas régulé, et le débit entrant du lac Supérieur est quelque peu régulé, mais il est généralement proche du débit naturel. Dans l’ensemble, cette différence entre le débit sortant et le débit entrant a beaucoup moins d’incidence que les approvisionnements en eau ». 

            Selon M. Clim, les résidents de la région ont donc un impact direct limité sur le niveau d’eau de la Baie Georgienne. En revanche certains facteurs comme le taux d’évaporation sont liés à la température et donc tributaires de l’activité humaine au niveau mondial.

            Par ailleurs, le porte-parole d’Environnement et Changement climatiques Canada a tenu à rappeler aux résidents de la région que leurs actions peuvent contribuer à préserver l’intégrité de l’écosystème de la baie Georgienne : « les gens peuvent aider en restaurant les rivages naturels, en réduisant le ruissellement des engrais et des fosses septiques et en soutenant l’intendance dirigée par les communautés autochtones. S’impliquer dans la science et l’action communautaires, comme la surveillance de la qualité de l’eau ou le nettoyage des rives, fait une réelle différence. Chaque action, de la plantation d’espèces indigènes à l’utilisation de pratiques nautiques écologiques, contribue à préserver la santé de la baie Georgienne pour les générations futures ».

Les conséquences

            Ces fluctuations ont un impact sur les animaux et les plantes de la région selon Brandon Clim : « La flore et la faune marines subissent les différents impacts de ces fluctuations. Certaines espèces préfèrent des niveaux d’eau élevés et d’autres des niveaux plus bas. Les fluctuations saisonnières font partie du cycle naturel des précipitations et de l’évaporation, ce qui entraîne des niveaux plus élevés en été et plus bas en hiver ».

            Le porte-parole a ajouté que les amateurs de navigation ou autres activités se pratiquant sur la baie doivent toujours rester à l’affût de fluctuations : « comme les niveaux d’eau dépendent de la variabilité des approvisionnements en eau, les résidents de la région sont invités à prendre en compte la résilience aux fluctuations des niveaux d’eau, y compris les niveaux d’eau élevés et bas, dans le cadre de leurs activités de planification et de développement ».

À l’échelle locale

            Monsieur Basil Lafrenière est président de la « Georgian Bay Heritage League » qui se spécialise dans la restauration des bateaux en bois et a accepté de répondre à nos questions concernant les changements de la baie. Il faut savoir qu’outre son rôle de président M. Lafrenière est un francophone de la baie du Tonnerre qui connaît la navigation depuis son enfance et qui possède une connaissance accrue des Îles de la région.

            Sur la question du niveau de l’eau, M. Lafrenière nous parle d’entrée de jeu de son expérience : « du temps de mon grand-père, on avait coutume de dire que l’eau monte pendant sept ans et puis descend pendant 7 ans. Pour ma part, je dirais qu’elle est à la baisse depuis au moins deux ans ». Il est révélateur de constater que les statistiques officielles du niveau d’eau du gouvernement du Canada démontrent effectivement que depuis 1918, le niveau d’eau des lacs Michigan et Huron accusent des cycles alternatifs de hausse et de baisse de 6 à 8 ans. Les observations du grand-père de M. Lafrenière étaient donc au diapason de celles faites par les autorités.  

            Basil Lafrenière qui a navigué pratiquement toute sa vie sur la baie, a constaté plusieurs changements au fil des années : « notre dernier hiver a été comme ceux que l’on avait par le passé, mais depuis 10 ans les hivers sont moins rudes et la baie gèle beaucoup moins qu’à l’époque de mon enfance. » 

            Parmi les changements observés par M. Lafrenière, le nombre de personnes sur l’eau est l’un des plus évidents : « il y a beaucoup plus d’embarcations maintenant qu’il y a 20 ans. On voit de plus en plus de gros bateaux où les gens y vivent tout l’été comme dans un chalet ». La croissance démographique de la région se ferait donc également sentir sur la baie.

            Alors que le niveau d’eau de la baie Georgienne demeure sous la loupe des spécialistes d’Environnement et Changement climatique Canada, les résidents de la région devront rester vigilants aux changements qu’apporte l’abaissement du niveau de la baie et adapter leurs activités en conséquence.