Daniel Marchildon
Si l’auteur de La légende du loup de Lafontaine, Thomas Marchildon, avait été à Sudbury le 6 mai dernier, il aurait été à la fois étonné et fier d’assister à une mise en lecture de Thomas Lortie, une pièce inspirée par son livre publié en 1955. Cette pièce, une œuvre en cours, écrite par Alain Doom, a été mise en lecture lors du Salon du livre du Grand Sudbury à la Place des Arts.
Ce sont quatre comédiens qui ont présenté la pièce, soit Hélène Dallaire dans le rôle d’Emma Brunelle, Chanda Legroulx Gibson (Philomène) et Stef Paquette (Joseph) avec Chloé Thériault qui a fait la lecture des didascalies. Joël Beddows est le conseiller dramaturgique du projet qui en est à sa deuxième lecture publique, après une première en octobre 2022 à Ottawa.
Ce drame, teinté d’humour, présente « un huis clos mystérieux où le réel et la vérité sont aussi flous que les souvenirs lointains ». Enfermés dans leur propre histoire, les personnages s’expriment dans une langue orale fantasmée. Ces trois personnages sont tirés de La légende du loup de Lafontaine, soit Emma Brunelle (l’épouse de Théophile Brunelle qui a tué le loup) qu’on appelle ici « la borgnasse », et le couple Philomène et Joseph Lortie. Le trio se retrouve dans la cabane des Lortie où l’on entend les pleurs du bébé Thomas lors d’une tempête d’hiver.
Un loup qui s’éloigne de la légende
Cette pièce s’éloigne considérablement de la légende. En fait, même si le loup de Lafontaine est toujours présent, la situation ici est tout autre. L’intrigue illustre comment les gens qui vivent un même événement traumatisant peuvent finir par s’en souvenir d’une façon différente et même opposée. Il est intéressant de voir comment une histoire régionale peut inspirer d’autres créateurs à aborder des thèmes universels.
La langue singulière de la pièce, souvent drôle, mêle du vieux français, du parler acadien, des tournures et des mots inventés. Ainsi, les personnages font référence à des narrés (ou des histoires) et à l’île où personne ne va jamais (en réalité l’île Travers ou l’île au Géant). C’est un texte exigeant pour les comédiens et parfois un peu pour le public.
Lors de la session de questions et réponses qui a suivi la pièce, le dramaturge Alain Doom a expliqué qu’il s’est intéressé à notre loup de Lafontaine en allant voir l’opéra inspiré de la légende que le compositeur Ian Cusson a présenté au Centre national des arts à Ottawa en septembre 2019. Doom croyait qu’il allait assister à une œuvre inspirée des fables de Jean de La Fontaine. Néanmoins, l’histoire du loup l’a fasciné et sa lecture de la légende l’a poussé à créer cette pièce.
Bien que Thomas Lortie s’écoute bien, si jamais la pièce est présentée au théâtre, dans sa forme actuelle, réaliser la mise en scène pose des défis. Certaines actions, comme tirer des coups de carabine, ou encore brûler des livres dans un poêle à bois, seront difficiles à présenter sur une scène.
Thomas Marchildon et tout le monde de la Huronie peuvent se réjouir de voir que La légende du loup de Lafontaine continue à donner naissance à d’autres créations originales. Les premières remontent au début des années 2000, quand les jeunes du théâtre du Cavreau présentaient des interprétations farfelues de la légende lors des premières éditions du Festival du Loup. Plus récemment, en avril 2023, le Ballet Edmonton présentait à Victoria la chorégraphie de danse contemporaine Le loup de Lafontaine avec la musique de l’opéra d’Ian Cusson. Peut-être qu’un jour la pièce Thomas Lortie sera présentée au Festival du Loup.
Hélène Dallaire, la comédienne qui a interprété Emma Brunelle, dite « la borgnasse », lors d’une mise en lecture publique de la pièce Thomas Lortie à Sudbury le 6 mai dernier. Cette œuvre en cours d’Alain Doom s’inspire librement de La légende du loup de Lafontaine. Photo Daniel Marchildon